Promouvoir un champ visuel inclassable, simultanément suggéré et saisi par l’inspiration et le temps d’une perception attentive aux détails comme aux ensembles en train de se construire. Peindre serait généré par des tentatives de rendre palpables des apparitions momentanées, d’instaurer des œuvres comme de la cendre pour reprendre un bel espoir de vie esthétique d’Yves Klein ou l’admirable tentative métaphysique de Bram Van Velde. Que montrer en ces sens ? Que laisser voir et ressentir excepté des œuvres paradoxalement matérielles. Je peins et je cherche à peindre. Je cherche à montrer que voir comme percevoir sont un même mouvement promotionnel ; il s’agit faire en sorte que, matériellement, sensiblement, poïétiquement, que toutes choses égales, une peinture peut se limiter n’être qu’une recherche visuelle.
Rien n’y sera donc laissé au hasard si le hasard n’y joue pas son rôle. Rien n’y sera abandonné si l’abandon n’y précise pas un temps de retrait. Tout sera tenté pour parler d’esquisse, de découverte, de production momentanée, d’image et de vision complices dans leur précarité. Rien n’y sera culturel s’il n’est pas questionnant, si une définition ou pire, si un intitulé suffit sans inquiéter, ou plus sobrement étonner.
Rien n’y sera une peinture si dès le départ « c’était une peinture » ; et ce d’autant qu'il n’y a à retenir de plus que ce que le titre dit de regarder.
On ne peut pas encadrer mes tableaux ?
Temps mieux !
Ils font « tâche »?
Bien!
Ils ne paraissent finis?
Parfait!
Ils semblent à peine commencés?
C’est un bon début, je progresse!
Je donne l’impression d’être inconscient?Merci!
Je donne le sentiment d’ignorer ce que je fais?Erreur!
Qu’est ce qu’être peintre alors?
Peut-être que c’est ne pas se résoudre à faire un tableau, détester s’y résoudre, refuser de s’y complaire et s’y borner, rejeter le simiesque. Réfuter devoir produire une peinture classée. Qu’est ce qu’être artiste dans ces conditions ? Peut-être que c’est agir en chercheur d’art, tenter une réalisation d’art.
Peindre, réaliser des tableaux est une affaire à la fois sérieuse et dérisoire, le but n’est pas le tableau mais l’Art d’un cheminement.
Ma démarche
Je vis plastiquement la peinture en m’appuyant sur plusieurs méditations rapprochées :
1/ Le paysage (ce qui m’entoure, mon environnement, un contexte, les opportunités conjointes d’un moment et d’un lieu)
2 / Mes questionnements constants sur ce que peindre veut dire (à travers les moyens de la peinture), ce qu’entreprendre et engager une peinture présume de temps, d’attention soutenue et relâchée, parfois d’improvisations « calculées ». J’ai, durant quelques années, accordé du temps universitaire à cette part du travail d’apparences de la création plastique.
3/ Une bibliothèque artistique dans un grenier, la découverte d’une histoire critique de l’art et des cheminements intellectuels et créatifs de certains artistes pour lesquels je conserve toujours une admiration particulière… les expositions : constamment fréquentées, et aussi le théâtre, la musique contemporaine…
C’est parti aussi de l’impossibilité de ne pas dessiner, de mes études d’art à l’école Estienne et après.
4/ Il y a aussi le temps et le mouvement de la danse un temps pratiquée, le travail de chorégraphes contemporains pour lesquels je conserve une constante admiration. La danse, et sous son inspiration, l’impression de constamment traverser des espaces, de parcourir autant de zones réputées vides que de secteurs occupés, de ne jamais limiter mes champs visuels à des découpes rectangulaires, voire isoler un objet.
5/ Il y a aussi l’idée, enfin ce fait, que dans certains tableaux, l’esquisse ou le dessin restent curieusement visibles, que le temps du travail continue d’y produire son œuvre au point que ces tableaux semblent encore à l’état de commencements et que l’artiste songe… Je suis sûrement à la fois un paysagiste et un plasticien aussi attentif aux mouvements de « l’œuvre en train » qu’à mes temps de création visuelle dans l’atelier.
J’espère parvenir à suggérer aux visiteurs-spectateurs de se laisser porter par ce qu’ils découvrent pendant leurs déplacements, leur faire aimer autant ma peinture que de faire de la Galerie Mansart un événement dans leur vie.
Octobre 2018
J'ai de plus en plus l'intime conviction qu'on ne fait pas de la peinture mais de la recherche en peinture. Les peintres du dimanche et les artistes "boursiers" font de la peinture et vivent dans l'attente d'une intuition géniale. Les créateurs sont des ouvriers qui fabriquent les outils utiles à l'expression de mondes qui (les) font imaginer. La toile ou un quelconque support de l'œuvre sont les premiers outils de cette complexe médiation. Ce ne sont jamais de simples réceptacles. Mars 2018
Qu'est ce qui m'inspire dans l'idée d'intituler des peintures Alentours? L'impression de traverser indéfiniment des espaces, de rencontrer indéfiniment des zones pleines ou creuses, de longer indéfiniment des secteurs finis et d'autres partagés entre divers plans. J'enregistre des vues sans angles droits, aux contours "indécis" ou inexistants. Les supports de mes peintures sont pour ces raisons ni rectangulaires ni cernés par un encadrement supposé, ils sont irréguliers et arbitraires, incomplets ; leurs silhouettes ne répondent à aucun châssis conventionnel. Il serait d'ailleurs quasiment impossible d'en construire de ces formes là. Leurs découpes sont arbitraires, incarnés dans ce mouvement fluide appris avec la danse et la randonnée, le regard et l'écoute flottante. Et dans ces contextes, aucune présence fixe ou cernable, entière ou succincte. Février 2018
Les œuvres conservent plus que souvent des marques du travail de progression de l'artiste. Ce qu'on nomme "repentir", ou ce qui se voit encore malgré les tentatives d'effacements ou de recouvrements, de brouillages ou de floutages sont autant de rappels d'un plaisir de la recherche plastique qui ne se refuse pas à lui-même. L’idée d’une œuvre et d'un travail « in process » constituent donc le fond de mon travail. Je me suis fait à l'idée que les peintures de Cézanne sont très rarement "finies", que Bram Van Velde a élaboré une pratique du commencement perpétuel qui suppose la disparition de l'idée d'aboutissement, que Masson a réfuté que la peinture poursuit un but… Alors je travaille sur des peintures aux contours et aux surfaces incertaines. Je produis des dessins dont les sujets conservent simultanément les traces de leur inspiration et leur mise en forme progressive. Je traite l'aspect visuel des œuvres en soumettant leur vue aux aléas de leurs situations environnementales, leurs contextes d'expositions, bref de leurs alentours.
L’apparence d'un travail fini/non fini compte peu pour moi. je le souhaite commençant, je m'inspire de ce qui s'instaure. Le sujet doit être marqué par la précarité de son statut. Les compositions doivent paraître fortuites, probables ou éventuelles, presque virtuelles…Les mouvements doivent sembler naturels vs non préparés, à la limite du "sans objet". Le support et l'œuvre doivent pourvoir être à la fois événementiels et contextuels.
La couleur, c'est de l'éclairage, ça ne requièrent que la luminosité de l’instant, l'équilibre fragile d'une nuance… les aspects de la matière doivent rester au plus près de la lave, le travail doit paraitre "peu fait", l'œuvre juste "advenante" ou comme surgissante de son ébauche, hésitante, en un mot : fraiche comme un imprévu merveilleux. J'aime la sérenpidité et ce qui semble survenir.
Pas de cadre, l'œuvre est un objet sans frein ; le moins possible de limites, aussi peu que possible de forme d’accrochage exclusif aussi : c'est pour moi important de surprendre. Le visiteur vient pour être surpris, détourné de ce qu'il connait, bousculé. Le tableau, du moins l’œuvre, sera un flottement, un imprévu, une suspension, une tension entre deux écarts, l'arbre inversé entre deux arbres, une faille impensée entre immobilité et pause, un projet presque sans objet, une œuvre à la fois « in situ » et « A suivre …». Mars 2017
Je me mêle des divers mouvements instaurateurs de l'œuvre en cours, de ses modes d'existence nécessairement critiques, existence et mode principalement incarnés par son expression/ exposition plastique, depuis l'esquisse et les repentirs, les gestes d’élaborations les plus infimes, les désordres sans fin, la création plastique toute à ses excentricités ou à ses objets d'interrogation. Juilllet 2012